Introduction : L'Histoire de France au rythme du Métronome
De Saint-Germain-des-Prés à Saint-Denis
VIIe et VIII siècle
17. La Crypte de la Basilique Saint-Denis
(Article précédent : La Basilique Saint-Denis)
Quittant la salle de la maquette, je pénètre par une petite porte dans une ancienne tour. Son escalier en colimaçon oblige à descendre. Un panneau sur les marches plus haut indique un risque de chute et que la zone est sous alarme. Non, ne tentons pas de vérifier si c'est le cas. Je descends donc ces quelques marches, impressionné par l'épaisseur des murs. J'adore les murs des vieux bâtiments. En bas, la chapelle des Bourbons qui contient les cénotaphes, ces monuments funéraires qui ne contiennent pas le corps. Quelques inscriptions donc, et, dans la pièce suivante, un petit pot de verre déposé sur un coussin bleu dans un renfoncement. De plus près on distingue un objet de forme bizarre, un os peut-être ? Non, c'est tout simplement le coeur de Louis XVII. Ce morceau de chaire momifié est plutôt bien conservé.
Car il faut savoir qu'à la mort des rois, ils pouvaient être entreposés jusqu'à 3 sarcophages différents et ainsi être disposés dans 3 lieux différents. Un sarcophage pour le corps, un autre pour le coeur, et un autre pour les entrailles. C'est pratique, à la fois lugubre et impressionnante, montre à quel point les rois avaient de l'importance jusque dans leur mort, mais aussi l'importance de la mort, liée au culte religieux.
A côté, une petite pièce à peine éclairée, fermée d'une grille solide. La chapelle des princes. Mais cette pièce n'est pas vide et contient des objets tout aussi lugubres que sa voisine. Sur le sol, des cercueils de bois s'entassent les uns sur les autres, ce sont ceux des filles de Louis XV, de Charles Ferdinand, duc de Berry et de ses enfants et de quelques Bourbons. Sur le mur du fond sont entreprosés dans des niches des petits coffrets, protégés par une belle croix en or. Il s'agit d'entrailles divers : parcelles de corps de Louis XIV et d'Henri IV, coeur des Louis XIII, XIV et XVIII et de Charles Ferdinand d'Artois ainsi que les entrailles de sa fille. Je suis toujours dubitatif en revoyant mes photos, et je me demande comment on peut en arriver à vénérer des restes cadavériques, même s'il s'agit de fortes personnalités, un phénomènes qui n'a plus vraiment cours dans la société actuelle, mais qui reste toujours un événement de culte.
Parcelle de corps de Louis XIV | Coeur de Charles Ferdinand d'Artois (duc de Berry) | Parcelle de corps d'Henri IV |
Coeur de Louis XIII | Coeur de Louis XIV
| Coeur de Louis XVIII |
Entrailles de Louise Isabelle d'Artois
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Continuant mon chemin dans la crypte, je fais le tour des différentes chapelles. Le sarcophage d'Arégonde, 3e femme de Clotaire et donc reine des Francs, qui a été sorti de sa chapelle, lesquelles accueillent pour l'occasion une exposition sur Henri IV, le vert-galant, roi de France de 1589 à 1610. Sur les différents panneaux de l'exposition, qui mêlent reproductions de tableaux et histoires diverses, rappellent divers événements de sa vie : abjuration, sacre, entrée à Paris, l'Edit de Nantes qui permettait la liberté de culte, le couronnement de Marie de Médicis, l'assassinat du roi par Ravaillac, son "effigie vivante" en cire, plus vraie que nature, et son enterrement à Saint-Denis jusqu'à son exhumation par Robespierre lors de la Révolution. Une expo très intéressante, pas trop compliquée, et enrichie de textes littéraires en ancien français, témoignages vivants de ces événements.
D'autres objets sont disposés alentours, une stèle concernant la famille de Saint Louis, une base d'une colonne crolingienne, vestige d'une époque antérieure à la basilique.Toutes les chapelles entourent, au centre de cette crypte, une longue voute, le caveau des Bourbons. Ici, 6 grandes dalles de marbres, disposées il y a quelques années, qui rappellent quelques rois et reines les plus célèbres comme Louis XVI et Marie-Antoinette, dont la plaque est recouverte d'un bouquet de fleurs. Une stèle sans nom y est également, elle attend le retour de Charles X, dernier roi de France, inhumé au couvent de Kostanjevica en Autriche. Un groupe Facebook s'est d'ailleurs ouvert pour demander son retour. Si seulement 6 tombes sont présentes, lors des exhumations de 1793, ce ne sont pas moins de 70 cercueils qui étaient entreposés là.
En face de ce caveau, une pièce sombre, ornée de quelques spots habilement disposés. Moi qui voulait du sensationnel, c'est là que j'ai été le plus servi ! Une fois mes yeux habitués à cette obscurité, je reste ébahi devant le spectacle qui se présente à moi. La pièce s'ouvre légèrement en profondeur, pareil à une caverne que l'on domine depuis une sorte de balcon et dans cette "caverne", des sarcophages, partout ! Trois sont disposés côte à côté devant un autre, encore à moitié enterré, celui que l'on suppose avoir appartenu à Saint-Denis ! Au fond de cette première pièce, une large grille de part en part ferme l'accès à une seconde pièce caverneuse, laquelle renferme encore plus de sarcophages, eux aussi éclairés de quelques spots pour les mettre en valeur. Au fond de cette seconde caverne, on distingue à peine une ouverture creusée dans la paroi, mais donnant sur un noir profond. C'est le plan de la salle qui nous apprend qu'il existe, au-delà de cette seconde pièce, une 3e caverne encore plus imposante et renfermant encore davantage de cercueils ! Nous sommes au coeur du VII siècle, au coeur du tombeau des rois de France, au coeur de l'Histoire.
En remontant vers le transept, une grille ouverte donne sur un couloir presque trop étroit pour moi. Au fond, une lumière invite à se rendre dans cette pièce peu profonde. Je m'y engage, un peu gêné par la largeur de ce couloir dans lequel je suis obligé de me mettre légère de profil et de faire attention à ne pas me cogner la tête. En frôlant les murs, je songe à tout ceux du passé qui se sont pressés ici, frôlant eux les murs pour y entreposer quoi ? Des ossements. Je débouche dans une toute toute petite pièce de 4m² dans laquelle on a tout juste la place de se retourner. C'est l'ossuaire des rois, qui contient les ossements des corps exhumés à la Révolution, et que Louis XVIII a réuni. Sur chacun des murs, une grande plaque sur laquelle on peut lire les noms de ceux qui reposent dans cette basilique. Un monument aux morts en quelque sorte. Mais derrière ces plaques, qu'y a-t-il vraiment ?
J'arrête une fois de plus les fantasmes de mon imagination débordante à la vue de ces pièces caverneuses qui renferment probablement d'autres richesses de l'Histoire, pièces secrètes, galeries encore inexplorées, sans oublier le fameux trésor de Saint-Denis qui n'aurait pas encore été retrouvé, et dont Le Métronome nous donne une hypothèse qui ne sera peut-être jamais vérifié. Je décide alors de remonter à la lumière du jour, ou plutôt à celle, mystérieuse et enchanteresse, de la basilique, là où m'attendent les gisants des rois et reines, endormis pour l'éternité.
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