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EskaWorld

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Culturellement indépendant


Oncle Bonmee, laissez mourir les morts...

Publié par Eska sur 9 Septembre 2010, 22:55pm

Catégories : #Cinéma

oncle-bonmee.jpg

 

Oncle Bonmee

(celui qui se souvient

de ses vies antérieures)

(Lung Bonmee Raluek Chat)

 

Apichatpong Weerasethakul

 

2010

 

Oncle Bonmee vit ses derniers jours dans sa petite maison de campagne avec sa belle-soeur et son neveu à qui il confie ses émotions. Puis au cours d'un repas, Oncle Bonmee voit apparaître sa femme et son fils, disparus quelques années plus tôt. Alors qu'il prépare sa succession, sa femme-fantôme l'aide à mourir.

 

Soirée ciné entre collègues pour aller voir le dernier film palmé à Cannes. Si le résumé vous paraît brouillon, c'est normal, ce film est assez difficile à décrire sans tomber dans du séquencier. A vrai dire, Oncle Bonmee est une sorte de suite de tableaux qui racontent des histoires, celle d'un personnage victime de son physique et qui souhaite retourner à l'état de nature. Et ici l'état de nature est très lié avec l'animal, souvent étrange et symbolique. Que ce soit ce buffle qui cherche à s'échapper, ou cette princesse qui se laisse envoûter par un poisson chat, ou encore les singes-fantômes.

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D'ailleurs, âmes sensibles, s'abstenir, le singe-fantôme a tout pour faire ressurgir en nous de vieux cauchemars de l'enfance. Une forme sombre dont on devine la silhouette floue, pareil à une ombre qui se faufile rapidement entre les arbres de la jungle dense et obscure. Au sommet de cette ombre, deux yeux rouges vous regarde fixement. On reconnaît bien là des représentations spirituelles, communes à d'autres pays du monde entier, et qui symbolisent de mauvais esprits. Phénomène étrange : même après que l'on ait approché de près cette créature, dans une apparition tout aussi dérangeante, cela ne suffit pas à nous calmer pour les fois suivantes.

 

Et puis vient ce moment intense, l'oncle soigné par sa femme, celui-ci lui racontant sa peur de passer dans l'au-delà. Une séquence forte en émotion où l'on sent le désir du personnage serrer sa femme dans ses bras 19 ans après sa mort. Le tout est suivi par un magnifique passage vers la mort, traversant la jungle à la nuit tombée, entouré de ces créatures maléfiques, et trouvant enfin le repos au fond d'une grotte. Caméra portée, souffle fort, simple éclairage d'une lampe torche, et cette salle aux parois incrustées de pierres précieuses qui devient une sorte de firmament lorsque la lumière s'éloigne, l'oncle a trouvé son lieu de repos. "Mes yeux sont ouverts mais je ne vois rien" serait-il devenu comme ces poissons aveugles dans leur mare ?

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Et puis on termine avec son enterrement où un moine bouddhiste, membre de la famille est présent. Ce dernier retrouve la belle-soeur de l'oncle durant la nuit, rejetant ses principes religieux pour une sortie nocturne. Mais avant de partir, il se découvrira lui-même, immobile. Et si l'oncle Bonmee n'était qu'une vie antérieure comme les autres ? Et si ce moine était en réalité la réincarnation de cet oncle et des créatures qui ont fait leur apparition ? Ce dernier aurait-il enterré ses vies passées, son âme religieuse, pour une vie plus réelle ?

 

Mais à mon avis, ce film ne nous parle pas des vivants, mais des fantômes. J'aime à penser que l'oncle Bonmee était déjà mort, et que ses proches sont venus guider son esprit fantômatique jusque dans le repos éternel. Et si Jen, sa belle-soeur boiteuse n'était elle-même qu'un guide, chargée de faire passer les âmes de l'autre côté en douceur ? Un film qui restera bien mystérieux à mes yeux.

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Mérite-t-il la Palme d'Or ? Je ne saurais le dire, il manque certainement au public français de nombreux éléments pour comprendre toute la portée symbolique de ce film. Côté technique : petit budget, peu de moyens, et pourtant une belle photographie, et quelques effets discrets. Pour moi, ce film a admirablement commencé avec un long plan de ce buffle à l'ombre d'un arbre, l'arrière-plan s'éclairant doucement sur une pré d'un beau vert turquoise. Mais gros défaut, j'ai trouvé que parfois la longueur des plans était trop admirative. Parfois elle avait un sens, parfois c'était faire du long pour du long.

 

Dans tous les cas, c'est un film que je vous invite à découvrir pour faire une expérience bizarre mais intéressante, déroutante mais riche. Ou pas du tout selon votre capacité à rester devant un film aussi contemplatif.

 

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